La semaine dernière, le ministre du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité, Jean Boulet, est allé se péter les bretelles en entrevue à la Presse pour annoncer qu’au 1er janvier 2023, le « Programme de revenu de base » entrerait en vigueur.
« C’est une avancée sociale significative » qui bénéficiera aux « personnes les plus vulnérables de la société québécoise », a-t-il dit à La Presse. Depuis 2017 que cette initiative est en « gestation ». À l’OPDS, on se dit qu’elle aurait dû le rester en gestation, tant qu’à finir en pétard aussi mouillé qu’insultant.
Voici pourquoi on est en sacrament :
Premièrement, ce « revenu de base » sera seulement accessible qu’aux personnes ayant des contraintes sévères à l’emploi, et ce depuis 66 mois et tant pis pour les autres. Comme organisme spécialisé dans la Loi sur l’aide sociale et de ses mécaniques cruelles, on a encore de la misère à expliquer le fait qu’il faille attendre 66 mois pour avoir à de meilleures prestations. Qu’est-ce qui le justifie ? Il faut souligner que présentement les personnes ayant le montant de base obtienne la moitié du montant d’une personne ayant des contraintes sévères depuis 66 mois (726 $ versus 1400 $). Comme les besoins sont les mêmes, tout le monde devrait avoir le même montant peu importe le statut.
Deuxièmement, cela maintiendra la notion que les bons pauvres eux sont sur la Solidarité sociale (avec des contraintes sévères à l’emploi) et conséquemment de meilleures prestations, tandis que les mauvais pauvres eux autres sont sur l’Aide sociale (avec des contraintes temporaires ou aucune) et méritent moins.
Ce qui est enrageant considérant qu’en 2007 le ministère avançait que seulement 8,5% des personnes sur l’aide sociale étaient réellement aptes au travail, confirmant qu’il s’agissait d’un choix politique de garder le monde dans la misère. On se doute que leurs amis du Conseil du patronat sont plus que contents de cette politique. Aussi, il est à noter que cette statistique n’a été offerte qu’une seule fois, probablement par crainte que ça réveille du monde et démolisse les préjugés envers les personnes assistées sociales.
Avec le « revenu de base », on garde et renforce la même logique : certaines auront accès à de meilleures prestations, alors qu’au final les besoins demeurent les mêmes pour tout le monde. Qu’on se comprenne, l’épicier ne te fait pas un deal sur le prix de la bouffe si tu lui montres des preuves de prestations plus basses. Idem pour les proprios, ils n’offrent pas une réduction sur le loyer quand on a des prestations de base. On mange juste moins.
Troisièmement, le montant actuel des prestations de Solidarité sociale est 1138 $par mois. Après 66 mois à démontrer qu’on est bel et bien maganée, vrai de vrai, on obtient 1400$ par mois. Avec la proposition de « Programme de revenu de base », on obtiendrait 1475$. Ce n’est pas que 75$ ça n’aide aucunement, c’est que c’est cheap en sacrament comme augmentation.
Quatrièmement (et c’est potentiellement le plus tordu), l’article de La Presse mentionne ceci : « [en] plus des nouvelles prestations, différentes règles sont assouplies : une personne pourra avoir un revenu annuel de travail jusqu’à 13 656 $ sans que cela entraîne une baisse équivalente de sa prestation (le seuil est de 2600 $ en ce moment). »
De ce qu’on comprend des explications fournies dans l’article, si cet assouplissement n’est accordé qu’aux personnes admissibles au nouveau Programme de revenu de base, ce ne seront que des personnes ayant des contraintes sévères à l’emploi qui en bénéficieront. Ce sont donc à des personnes inaptes au travail que l’on fournirait un incitatif à aller se scraper un peu plus sur le marché du travail pour améliorer leur sort, tandis que les personnes sur l’Aide sociale seraient toujours coupées dollar pour dollar si elles dépassent 200$ de revenu déclaré par mois.
Ce n’est donc pas la réjouissance qui nous étouffe.
En 2023, ce sera le 50e anniversaire de la Semaine des personnes assistées sociales, il sera donc de bon ton de faire savoir au ministre et à ses chums du patronat ce que nous en pensons de sa version 2.0 de la Loi sur l’aide aux personnes et aux familles.