La pauvreté, ici?

On entend souvent dire que le Canada est un pays riche. Est-ce vrai ? Qu’en pensez-vous ? Et Montréal, est-elle une ville pauvre ou riche ? C’est quoi, être pauvre ? Qui est pauvre et comment ? Pourquoi, dans un pays riche, y a-t-il quand même de la pauvreté ? Lorsqu’on parle de pauvreté, il y a beaucoup de questions qu’on peut se poser. Les prochaines pages tenteront d’amener quelques pistes de réflexion au sujet de la pauvreté.

Extrait d’un article sur la perception de la pauvreté par les gens au Québec

Selon un sondage Léger mené auprès de 1 005 personnes au mois d’août et publié dans La Presse le 30 septembre 2021, les Québécois ont tendance à sous-estimer la pauvreté.  « Les répondants au sondage devaient estimer le nombre de personnes adultes vivant sous le seuil de la pauvreté au Québec. Quelque 21 % d’entre eux ont dit l’ignorer. Un autre 37 % des répondants l’ont estimé à moins de 500 000 personnes. Or, en réalité, ce sont 1,2 million de Québécois qui sont en situation de pauvreté, selon la Mesure de faible revenu. Les Québécois ne sont pas trop au fait, non plus, du salaire annuel brut en deçà duquel une personne seule est considérée en situation de pauvreté : près de deux répondants sur trois (62 %) l’ont évalué à moins de 20 000 $, alors qu’il se situe de 24 000 $ à 32 000 $, selon la mesure de revenu viable. Ce seuil est de 25 000 $ (2018) selon la Mesure de faible revenu. »

Pourquoi les gens sous-estiment-ils la pauvreté ?

Est-ce parce qu’elle est cachée ? Est-ce parce qu’elle est taboue et la cible de préjugés ? Est-ce parce que, collectivement, c’est plus facile de fermer les yeux sur celle-ci ? Il est en effet plus simple, pour ne pas remettre en question les systèmes économique et politique actuels, de prétendre que la pauvreté est une tare (défaut) individuelle plutôt que de la voir comme un problème structurel et collectif. Pourtant, en faisant cela, on exclut d’office plein de gens et on précarise davantage leur situation, en augmentant leur isolement et leur sentiment de culpabilité. Il y a lieu aussi de se questionner sur les causes de la pauvreté, même dans un pays riche comme le Canada.

À qui ça profite, qu’il y ait autant de personnes pauvres ? Pourquoi et comment ?

Dans un système capitaliste comme le nôtre, axé sur la recherche de profits, les patrons et grandes compagnies privées cherchent à gagner le plus de sous possibles, en comprimant le plus possible leurs dépenses. On peut donc penser que cela fait leur affaire, qu’il y ait des personnes pauvres et en état de survie permanente. Tout comme cela fait aussi leur affaire, que les prestations d’aide sociale soient aussi basses et souvent jumelées à des programmes d’employabilité. En effet, cela crée un bassin de main-d’œuvre à bon marché, disponible pour travailler même si les conditions offertes sont mauvaises, pour éviter d’aggraver davantage une situation financière insoutenable.

Différentes définitions en lien avec la pauvreté

Lorsqu’on parle de pauvreté, autant la gauche que la droite s’en mêlent et s’emmêlent. En effet, il existe plusieurs façons de déterminer et de mesurer la pauvreté. Il faut d’abord s’entendre sur ce dont on parle. C’est quoi, aujourd’hui, être pauvre ? De plus, ça dépend qui en parle et dans quel objectif… Les chiffres et les concepts ne seront pas les mêmes si celui qui parle est un gouvernement conservateur qui veut couper dans l’aide sociale versus un groupe militant pour davantage de justice sociale.

Voici quelques définitions utiles et qui permettent de mieux comprendre les différents seuils et les différentes mesures de la pauvreté au Québec.

Besoins primaires : Besoins essentiels à la survie : se nourrir, se vêtir, se loger.

Besoins secondaires : Besoins importants pour une vie satisfaisante : apprendre, se réaliser, avoir des amies et des amis, rire…

Coefficient de Gini : Comparaison des revenus d’une population à une situation d’égalité parfaite ou d’inégalité complète.Le coefficient peut aller de 0 à 1. Zéro est une situation d’absolue égalité et 1 une situation d’inégalité complète (par exemple, si une personne a TOUS les revenus et une autre AUCUN) entre les différents membres d’une société donnée.

Désert alimentaire : Zone sans services alimentaires/épiceries à proximité.

Indice de développement humain (IDH) : Mesure de l’épanouissement d’une population selon le produit intérieur brut par habitant, l’espérance de vie et le niveau d’éducation attendu et atteint après l’âge de quinze ans.

Luxe : C’est le superflu, le non-nécessaire mais plaisant. C’est ce qu’on possède ou qu’on peut faire après avoir comblé nos besoins primaires et secondaires (aller en croisière, avoir trois manteaux et deux voitures, aller au théâtre trois fois par semaine, etc.).

Mesure de faible revenu (MFR) : Mesure relative correspondant à la médiane (moitié) des revenus de tous les particuliers du groupe étudié.

Mesure du panier de consommation (MPC) : Coût d’un panier de biens et de services nécessaires à une vie modeste : nourriture, vêtements, transport, logement et quelques autres dépenses très ciblées.

Panier à provisions nutritif : Selon le Dispensaire Diététique de Montréal, c’est le montant le plus bas pouvant être accordé à l’alimentation sans souffrir de carence. En mai 2021, pour une personne seule résidant à Montréal, ce montant était de 11,05 $/jour.

Pauvreté : Multiples définitions selon le locuteur (interlocuteur) et les objectifs poursuivis. En général, c’est le manque de ressources suffisantes pour combler ses besoins.

Produit Intérieur Brut (PIB) : Valeur marchande de tous les biens et services produits par un pays pour une période précise. En divisant cette donnée par le nombre d’habitants d’un pays (PIB/h), on peut obtenir une idée du niveau de vie moyen dans ce pays pour la période étudiée (une année, en général). Par exemple, selon la Banque Mondiale, en 2020, le PIB par habitant au Canada était de 43 278,176 dollars américains, c’est-à-dire environ 54 319,29 dollars canadiens.

Salaire juste : c’est la rémunération minimum versée pour certains emplois précis, par exemple, dans le cas de contrats octroyés par le gouvernement à certains employeurs (exemple : en construction). Pas juste dans les cas de contrats octroyés par le gouvernement ?

Salaire minimum : Salaire horaire le plus bas permis par la loi.

Salaire viable : c’est le plus bas salaire permettant de répondre aux besoins fondamentaux d’une personne. Ce montant varie selon le coût de la vie à l’endroit dont il est question.

Seuil du revenu viable : C’est un calcul mis en place en 2015 par l’IRIS (Institut de Recherche et d’Informations socioéconomiques) pour déterminer le revenu nécessaire pour avoir une vie décente, dans sept villes du Québec, en allant au-delà des stricts besoins essentiels mesurés par la Mesure du Panier de Consommation (voir la définition plus haut). Pour l’IRIS, avoir une vie décente signifie pouvoir participer sans entraves à la société, par exemple, pouvoir mettre des sous de côté dans un fond de prévoyance pour les coups durs éventuels, avoir accès à l’information et la culture, pouvoir faire des sorties ou prendre des vacances. Comme vous pouvez le constater en observant le tableau ci-joint, on est loin des barèmes (montants) de l’aide sociale !

Seuil de faible revenu (SFR) : Selon Statistique Canada, seuil en dessous duquel une famille est susceptible de dépenser plus de 20 % que la moyenne des familles pour son alimentation, son logement et son habillement. Riche et en santé ou pauvre et malade ? Être pauvre a des conséquences nocives directes sur la santé des personnes. Si on manque de sous, notre stress et notre anxiété augmentent. On doit faire des choix déchirants entre payer le loyer ou la nourriture, acheter sa passe de bus ou remplacer des souliers trop vieux, etc. Sans un revenu adéquat, on ne peut se nourrir correctement. Ce n’est pas parce qu’on ne sait pas cuisiner ! C’est parce que la nourriture est trop chère ! Au contraire, on fait des miracles avec ce qu’on a.

Si on est mal nourri, on manque d’énergie, on a des problèmes de santé physique, ça joue sur notre moral, aussi. Par ailleurs, lorsqu’on n’a pas beaucoup de sous, on habite dans les quartiers les moins coûteux, les plus éloignés des services et du transport en commun. Souvent, ce sont des apparts trop petits, mal entretenus. Souvent, ils sont dans l’Est de la ville, parfois près des usines. Ça aussi, ça joue sur notre santé !

À Montréal, la différence d’espérance de vie entre Outremont/Westmount et Hochelaga-Maisonneuve est de dix ans. Dans la même ville ! Montréal-Nord est le deuxième quartier le plus pauvre au Canada. En temps de pandémie, les inégalités entre les quartiers restent, et même, augmentent. Proportionnellement au nombre d’habitants de chaque quartier, il y a davantage de morts de la Covid-19 dans les quartiers pauvres que dans les quartiers riches de Montréal. Pourquoi ? La promiscuité (manque d’espace) dans les appartements, les problèmes de santé déjà plus grands au départ, le fait que beaucoup de personnes des quartiers pauvres occupent des emplois en santé ou en usines… tout ça entre en ligne de compte.

La solution : la connaissance de nos droits !

Pour l’OPDS, les causes de la pauvreté et de l’exclusion sont de nature collective, quelles que soient les mesures utilisées pour les calculer. Personne ne choisit la pauvreté, l’exclusion, les préjugés, la faim, un appartement insalubre, la misère et vivre avec le jugement des autres. Le système économique et politique dans lequel nous vivons privilégie les succès individuels et la productivité. La société fait la promotion du profit et de la réussite individuelle, au lieu de l’entraide et la solidarité. Cela a contribué, avec le temps, à briser certains tissus sociaux. L’égalité des chances est devenue un mythe, alors que dans une société de droit, ce devrait être la visée (le but) commune, à défaut d’être une réalité concrète.

L’accès à un revenu décent pour toutes et tous devrait être un droit inaliénable et un combat quotidien. À l’OPDS, c’est ce que nous faisons. Chaque matin, on reprend le combat ! Ainsi, tous les jours, on travaille fort à lutter contre la pauvreté et l’exclusion.

La défense collective des droits est un moyen solidaire, concret et sur le long terme afin de combattre les injustices systémiques et structurelles de notre société, notamment le nombre scandaleux de personnes vivant dans la pauvreté et la précarité.  À l’OPDS, la défense collective des droits est, en fait, la suite logique de la défense individuelle des droits. On commence par soutenir et outiller une personne ayant un problème concret à résoudre avec l’aide sociale. Tout en aidant à régler cette situation ayant un impact néfaste direct sur ses conditions de vie, son moral et sa santé, on l’invite à venir nous voir, prendre un café et participer à nos activités. Par la mise en commun de nos expériences individuelles, par la discussion et la collectivisation des problèmes que l’on vit, on contribue à briser notre isolement.

Partir du vécu des personnes permet une véritable éducation populaire et une action d’agir de façon cohérente. Les vrais experts, ce sont les personnes directement touchées par une situation. Il est essentiel de les écouter pour véritablement aider à créer des moments et des espaces et espaces de partage, des liens durables de solidarité et d’entraide entre les personnes. C’est le prélude (début) essentiel à davantage de justice et à un changement social durable. Ainsi, la mise en commun des forces et volontés individuelles permet une plus grande force, une énergie de lutte sans cesse renouvelée, une mobilisation collective pour travailler à résoudre en commun ce qui est un problème collectif. Parler d’une seule voix, forte et structurée, a plus de poids et de crédit, politiquement et médiatiquement. Par ailleurs, à l’OPDS, nous proposons une solution collective à un problème collectif : le Revenu de citoyenneté est un moyen concret de lutter contre la pauvreté.

En attendant la mise sur pied d’un Revenu de citoyenneté inconditionnel et universel, arrimé au seuil de faible revenu selon Statistique Canada (26 620 $ en 2020 pour une personne seule), l’OPDS travaille à mieux outiller les personnes à l’aide sociale et vivant de l’exclusion. La connaissance de la loi d’aide sociale et de nos droits est essentielle. Comment défendre ses droits si on ne les connaît pas ? Pour initier des changements sociaux sur le long terme et viser une meilleure égalité des chances, pour l’ensemble de la population et de façon durable, à l’OPDS, on croit que c’est une recette gagnante. On lâche rien !

Renseignez-vous, plusieurs formations sont prévues, tout au long de l’année !